Je me suis souvent questionnée sur l'art de vivre ou tout du moins sur ce qu'il était pour moi. La réponse n'est pas toujours évidente mais une chose est sure pour moi: vivre c'est être heureux...lorsque ce n'est pas le cas on est pas vivant!! Et souvent par voie de consequence donc j'ai étais taxée d'être paresseuse!! Mais aujourd'hui je trouve une reflexion interessante sur la question alors je vous la soumet (en tout cas la première partie car c'est très long!!)
Eloge de la paresse affinée
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par Raoul Vaneigem
Dans l’opinion qui s’est forgée à son propos, la paresse a beaucoup gagné au discrédit croissant dont s’est grevé le travail. Longtemps érigé en vertu par la bourgeoisie, qui en tirait profit, et par les bureaucraties syndicales, auxquelles il assurait leur plus-value de pouvoir, l’abrutissement du labeur quotidien a fini par se faire reconnaître pour ce qu’il est : une alchimie involutive transformant en un savoir de plomb l’or de la richesse existentielle.
Cependant, l’estime dont se prévaut la paresse n’en continue pas moins à souffrir de la relation de couple qui, dans la sotte assimilation des bêtes à ce que les humains ont de plus méprisable, persiste à accoler la cigale et la fourmi. Qu’on le veuille ou non, la paresse demeure prise au piège du travail qu’elle rejette en chantant.
Quand il s’agit de ne rien faire, la première idée n’est-elle pas que la chose va de soi ? Hélas, dans une société où nous sommes sans relâche arrachés à nous-mêmes, comment aller vers soi sans encombre ? Comment s’installer sans effort en cet état de grâce où ne règne plus que la nonchalance du désir ?
Tout n’est-il pas mis en branle pour troubler, par les meilleures raisons du devoir et de la culpabilité, le loisir serein d’être en paix en sa seule compagnie ? Georg Groddeck percevait avec justesse dans l’art de ne rien faire le signe d’une conscience vraiment affranchie des multiples contraintes qui, de la naissance à la mort, font de la vie une frénétique production de néant.
Nous sommes si pétris de paradoxes que la paresse n’est pas un sujet sur lequel on puisse s’étendre simplement, comme y convierait la nature si toutefois la nature pouvait s’aborder sans détours.
Le travail a dénaturé la paresse. Il en a fait sa putain dans le même temps que le pouvoir patriarcal voyait dans la femme le repos du guerrier. Il l’a affublée de ses faux-semblants, quand la morgue des classes sociales exploiteuses identifiait l’activité laborieuse à la seule production manuelle.
Qu’était-ce que ces puissants, ces souverains, ces aristocrates, ces hauts dignitaires sinon des travailleurs intellectuels, des travailleurs chargés de faire travailler ceux dont ils avaient « pris la tête » ? Cette oisiveté dont les riches se targuaient et qui nourrit séculairement le ressentiment des opprimés me paraît bien éloignée de l’état de paresse dans ce qu’elle offre d’idyllique.
Le beau prélassement que s’adjugent les infatués de noblesse aux aguets des moindres manquements, sourcilleux de préséances, attentifs à la valetaille masquant sa hargne et son mépris sous la servilité, quand il ne s’agit pas de faire goûter au préalable les mets assaisonnés par les maléfices de l’envie et de la vengeance. Quelle fatigue que cette paresse-là, et quelle servitude dans l’agrément constant d’une complaisance de commande !
Dira-t-on du despote qu’il s’arroge au moins le plaisir d’être obéi ? Piètre plaisir que celui qui, se payant du déplaisir des autres, s’avale avec l’aigreur qu’il suscite ! On conviendra que se tenir de la sorte au-dessus des tâches ignobles n’est pas de tout repos et ne favorise guère l’heureux état de ne rien faire.
Sans doute l’homme d’affaires, le patron, le bureaucrate ne s’embarrassent-ils pas, en dehors de leurs occupations, d’un train de domesticité plus importune que confortable. Je ne sais s’ils recherchent la solitude du sous-préfet aux champs mais tout indique chez eux une propension au divertissement plus qu’à l’oisiveté. On ne rompt point sans difficulté avec un rythme qui vous propulse de l’usine au bureau, du bureau à la Bourse et de la conférence-repas au repas-conférence. Le temps soudain vidé de sa comptabilité monnayée tourne au temps mort, c’est à peine s’il existe. Il faut avoir perdu plus que le sens moral, le sens de la rentabilité pour prétendre y entrer et s’y installer sans vergogne.
Passe pour le sommeil, véritable prescription médicale pour qui se jette chaque jour dans une course contre la montre. Mais qui osera, dans une guerre où chaque instant est exposé au feu nourri de la concurrence, lever le drapeau blanc d’un moment d’oisiveté ? Nous a-t-on assez rabâché le désastreux exemple des « délices de Capoue » où Hannibal, cédant à l’on ne sait quel envoûtement des sens, perd irrémédiablement et Rome et le bénéfice de ses conquêtes.
Il faut se rendre à l’évidence : dans un monde où rien ne s’obtient sans le travail de la force et de la ruse, la paresse est une faiblesse, une bêtise, une faute, une erreur de calcul. On n’y accède qu’en changeant d’univers, c’est à dire d’existence. Ce sont des choses qui arrivent.
Alors? c'est quoi qui rend plus heureux? ils ont pas l'air zen ? moi je les envie là!! Allons nous mitoufler un instant!!
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